Je vais aborder le sujet de l’oreille quand on veut improviser. Il est indispensable de travailler son oreille au piano pour progresser et se faire plaisir sur la durée.
C’est pour moi le deuxième aspect le plus important. Étonnant, non ? On aurait pu croire que c’est le premier.
On doit en fait, démarrer par l’approche qui permet de nous connecter à notre chant intérieur et de jouer sans trop se poser de question. C’est-à-dire en utilisant le mécanisme correct : le processus qui vous connecte directement à ce que vous avez à raconter, avec confiance et plaisir. C’était l’objet de mon dernier article.
Le troisième, c’est d’installer une dynamique de recherche pour constamment renouveller les idées qui vont nourrir votre chant intérieur.
La première difficulté pour improviser
Peut-être avez-vous expérimenté ceci :
Installés devant votre piano, vous avez l’idée d’une mélodie ou d’une suite d’accords. Et au moment de jouer, vos doigts ne vont pas aux endroits voulus. Votre oreille est déçue de ne pas entendre ce que vous aviez en tête.
Si cela se produit de temps en temps, ce n’est pas gênant, cela peut même devenir une source d’inspiration, car l’erreur participe à la créativité.
Mais si ça arrive trop souvent, vous vous sentez frustrés de ne pas pouvoir vous exprimer à travers l’instrument.
Pourquoi ? Car vous n’avez pas encore construit une bonne relation entre votre pensée et le clavier.
Sortir de la frustration
Dans l’idéal, la route devrait être directe entre ce que vous entendez et ce que vous jouez, mais c’est rarement le cas.
Si vous avez une musique intérieure et que vous savez y accéder, elle ne demande qu’à sortir, à être exprimée au piano.
C’est un bon point de départ, c’est même le plus important.
Mais ensuite, si vous n’arrivez pas à jouer ce que vous avez en tête, c’est la frustration assurée.
Il faut donc mettre en place une routine de travail pour créer ce lien entre oreille et clavier.
Comment développer une bonne relation oreille/clavier
C’est ce qu’on appelle souvent le ear training : entraînement de l’oreille. Il peut se faire sans ou avec l’instrument.
Je vous propose ici de commencer avec un travail au piano.
L’un des meilleurs outils que j’utilise avec mes élèves (et pour moi-même) afin d’améliorer cet aspect, c’est la transposition.
C’est-à-dire : chercher à jouer une mélodie, un accord ou une suite harmonique, en démarrant de toutes les notes du clavier.
Par exemple, si vous savez interpréter Au clair de la lune à partir de do, est-ce que vous pouvez le faire en partant de lab ou de mi ?
Peut-être que pour un air simple, c’est possible, mais qu’avec une chanson plus complexe avec un accompagnement main gauche, ce sera plus difficile à réaliser.
Une première manière de transposer
Pour transposer, plusieurs stratégies méritent d’être envisagées.
La première, c’est à l’oreille. C’est la plus importante.
Vous allez procéder par essais et erreurs jusqu’à retrouver la mélodie. À force de le faire, votre oreille va se former et créer du lien avec l’instrument.
L’inconvénient est que votre progression ne sera pas structurée et que vous allez parfois vous trouver devant des murs. Je veux dire par là que de temps à autre, il vous sera impossible de retrouver les notes, car votre oreille n’est pas encore assez entraînée.
Pas d’inquiétude, c’est normal. Il faut juste aborder cette difficulté par plusieures voies.
L’analyse pour former l’oreille
En comprenant l’organisation et la structure d’une musique, vous allez pouvoir explorer plus facilement d’autres tonalités. C’est l’intérêt de pratiquer l’analyse musicale. C’est pour cette raison que j’en propose régulièrement sur la chaine.
La connaissance du langage musical permet de créer des briques de plus en plus grandes et de reconnaître des suites de notes ou d’accords types. En faisant cela, vous allez vous rendre compte qu’en musique, on utilise souvent les mêmes choses.
Par exemple, vous pouvez repérer qu’une mélodie est construire sur la gamme majeure. Il suffit alors ensuite de trouver le degré des notes jouées.
L’oreille mélodique
Essayez de jouer Au clair de la lune en partant de do. Je suppose que vous y êtes arrivés assez rapidement.
Maintenant, tentez de jouer cette chanson à partir de lab, juste en tâtonnant.
Ça a peut-être été moins fluide.
Revenons alors à la version en do.
On peut voir que la mélodie est construite sur la gamme de do majeur et que les notes sont jouées en suivant cette séquence :111232 13221
À présent, trouvez la gamme de lab majeure et appliquez tout bonnement la séquence de notes.
Alors ? Est-ce que c’était plus simple cette fois-ci ?
En comprenant la logique d’une mélodie, vous pouvez la rejouer beaucoup plus facilement.
Ça va être pareil en improvisation. Grâce à cette méthode, vous allez créer du lien entre votre oreille et votre connaissance de la théorie musicale. Vous aurez alors un point de vue avec plus de hauteur.
L’oreille harmonique
Pour transposer les accords, ou les retrouver à l’oreille, vous allez procéder de la même façon.
Quelle est la logique harmonique d’Au clair de la lune ?
Au début, seuls deux accords sont utilisés : le do et le sol. Le do est l’accord du premier degré et sol celui du deuxième. On les trouve en jouant les notes de la gamme et en sélectionnant un degré sur deux.
On a donc l’enchaînement I V I.
Notez que pour les accords, on écrit souvent les degrés de la gamme en chiffres romains.
Pour jouer cette séquence en lab, il suffit donc de construire les accords sur lab et mib.
Pour appliquer cette méthode, il vous faudra acquérir progressivement des connaissances théoriques plus ou moins importantes en fonction des musiques.
Pour aller plus loin
Si vous voulez creuser ce sujet, je vous invite à lire cet article et à visionner la vidéo qui va avec.
J’y montre comment appliquer cette démarche sur un concerto de Rachmaninoff.
C’est une composition incroyablement difficile et qui peut faire peur, pourtant vous verrez qu’elle peut être tout à fait accessible.
C’est d’ailleurs un des fondements de mon approche pédagogique : s’entraîner à partir des œuvres qui nous plaisent et trouver comment l’adapter à notre niveau.
Dans l’article et la vidéo, je vous propose 3 niveaux de difficulté. Vous pourrez donc vous y retrouver.
Je développe ce sujet dans cet article : Comment apprendre le piano