Voici une question simple, mais dont les réponses sont complexes et multiples.
Ici, je ne vais pas vous parler de position au piano, ou encore de la place des notes sur le clavier ou même du meilleur livre pour débuter.
Je vais me concentrer sur un aspect : le plaisir d’apprendre.
Finalement, l’interrogation serait plutôt : comment progresser joyeusement ?
Une mauvaise image de certains cours de piano
On imagine souvent qu’apprendre un instrument est ennuyeux, rébarbatif. Il faudrait faire de nombreuses heures de gammes et d’arpèges, d’exercices répétitifs pour arriver à jouer et se faire plaisir.
Il y a aussi le fameux solfège qui a traumatisé tant de personnes et qui fait horriblement peur.
De l’autre côté, il y a les vendeurs de rêves qui promettent d’enseigner le piano sans effort, en s’amusant et donc sans solfège.
D’un côté comme de l’autre, on vous propose des approches dogmatiques et très peu individualisées.
Or, la méthode qui permet d’apprendre le piano et de progresser rapidement doit forcément prendre en compte les spécificités de l’apprenant.
Le problème, c’est que si vous suivez des tutos sur YouTube, ou achetez des formations en ligne, ou même que vous allez prendre des cours particuliers, vous n’avez en général aucune certitude que ça colle avec vos objectifs et votre manière d’apprendre.
Définir vos objectifs et vos besoins
Si vous voulez débuter le piano ou que vous n’êtes pas satisfaits de votre progression, j’aimerais vous inviter à questionner votre manière d’apprendre en général.
- Est-ce que vous foncez tête baissée ?
- Est-ce que vous prenez le temps d’analyser avant de démarrer ?
- Est-ce que vous suivez scrupuleusement le programme ou n’en faites qu’à votre tête ?
- Est-ce que vous répétez en attendant que ça vienne ?
- Est-ce que vous préférez étudier seul ou accompagné d’un enseignant ?
- Est-ce que vous êtes plutôt intéressés par le résultat ou par le chemin ?
Ensuite, il faut penser la question des objectifs.
- Quels styles de musique voulez-vous interpréter ?
- Voulez-vous pratiquer en solo, en groupe ?
- Envisagez-vous de jouer pour vous-même ou devant d’autres personnes ?
- Souhaitez-vous jouer en amateur ou en professionnel ?
- Est-ce que la composition ou l’improvisation vous fait rêver ?
Vos réponses vont déterminer votre manière d’apprendre, le type d’enseignement et donc guider vos choix.
Elles vont vous permettre de trouver la méthodologie et l’approche qui vous convient.
Un prof, une plateforme, une app ne peuvent convenir à chaque personne
Il faut avoir l’honnêteté de le dire : quand on est enseignant, on n’est pas bon avec tout le monde. Et même, j’ai tendance à penser qu’en cherchant à l’être, on va produire des résultats très moyens.
Quand j’enseigne que ce soit en ligne ou en présentiel, je sais que ma façon de faire ne va pas être appréciée par tous.
C’est pour cela que la première séance sert de diagnostic. On discute, on joue, je jauge les objectifs, le passif, la manière d’apprendre et beaucoup d’autres choses.
J’expose clairement les méthodes que j’utilise, quels types de progressions j’envisage et quels outils pédagogiques je vais proposer.
L’enseignement ne pourra démarrer que si nous sommes accordés.
Votre créativité est un outil d’apprentissage
Une des spécificités de mon enseignement, c’est que l’improvisation y est présente.
Elle l’est parfois à forte dose, et d’autres fois, beaucoup moins, en fonction de la personne avec qui je travaille.
Le slogan du blog et de la chaîne YouTube, c’est : « apprendre à improviser et improviser pour apprendre »
Derrière ce concept qui est d’intégrer l’improvisation dans l’apprentissage, il y a le désir de nourrir l’inventivité.
Être créatif, ce n’est pas forcément produire de grandes œuvres. C’est juste avoir le goût d’explorer et de trouver des chemins personnels. L’improvisation, c’est prendre cette voie en direct, chaque jour. C’est, ne pas brider ces envies et ces aspirations. C’est une manière de s’approprier un sujet.
Je pense que c’est un état d’esprit qui peut faciliter l’apprentissage et le plaisir d’apprendre le piano.
Mais je sais aussi que ça peut-être un piège lorsque qu’on n’arrive pas à se canaliser. À force de partir dans tous les sens, on n’avance que très difficilement.
Si vous ne faîtes qu’improviser, vous n’apprendrez jamais de nouveaux morceaux. Mais si vous n’improvisez jamais, vous passerez à côté d’un accélérateur d’apprentissage et surtout d’une grande source de joie.
Progresser au piano : travailler ou s’amuser ?
J’aimerais vous raconter quelques anecdotes sur mon parcours au conservatoire. Je n’y étais pas un élève modèle.
Je passais trop de temps à m’amuser plutôt qu’à étudier les œuvres imposées.
M’amuser, ça voulait dire : prendre un extrait et improviser dessus, modifier la composition, changer l’accompagnement ou encore jouer dans une autre tonalité.
C’était inventer des exercices en m’inspirant de la pièce.
En fait, je faisais tout pour ne pas « travailler ».
Travailler aurait été de mémoriser consciencieusement les notes des œuvres, d’apprendre vite par cœur, de régler les difficultés techniques…
Je tardais souvent à le faire.
J’aimais flâner, rêver, explorer sans but, juste nourri par la curiosité et le besoin d’expérimenter autour des compositions.
Du coup, quelques jours avant l’examen ou l’audition, je ne savais pas encore jouer les morceaux que m’avait donnés ma professeure.
Pourtant, la plupart du temps, je réussissais à apprendre rapidement une pièce quand il le fallait.
Le scénario était souvent le même : j’allais lentement au départ, car je tournais autour de l’œuvre et j’avais toujours du retard sur les autres. Et puis en fin de parcours, c’était la grande accélération et en général, je m’en sortais bien.
Il y avait deux raisons à cela.
L’apprentissage efficient
La première, c’est que je passais en mode « apprentissage efficient ». Chaque minute était optimisée, j’organisais mon temps, structurais ma progression, repérais les éléments les plus importants à étudier.
J’appliquais cette fameuse règle du 80/20, même sans la connaitre à l’époque.
Cette règle dit que 80 % des effets est dû à 20 % des actions. Donc, en se concentrant sur les 20 % les plus rentables, on augmente sa productivité.
Franchement, c’est super de procéder ainsi. C’est une approche rigoureuse et pragmatique qui donne d’excellents résultats.
D’ailleurs, j’adore concevoir des programmes, planifier des progressions, optimiser le temps d’étude et d’entraînement.
Je suis content de savoir le faire, pour mes élèves ou pour moi-même quand le besoin s’en fait sentir.
Pour moi, c’est une compétence utile, concrète, nécessaire, mais un peu austère.
C’est une façon de faire qui manque de poésie et cela peut transparaître dans l’interprétation.
On parle parfois d’un jeu froid, car trop dans une maitrise peu inspirée.
Pourtant, cette manière de faire ne s’oppose pas à celle que je décrivais précédemment.
Perdre du temps pour en gagner
J’ai même découvert que la deuxième raison qui me permettait d’apprendre très rapidement mes morceaux était celle-ci : en jouant avec une composition, en modifiant son harmonie, en improvisant sur mes passages préférés, en inventant des exercices ou des mini compositions inspirées de l’œuvre, j’étais en fait en train de gagner du temps.
D’abord, car en faisant cela, je me sentais joyeux et vivant dans ma pratique musicale.
Ensuite, parce que cette approche m’a appris à être réactif en concert, à m’adapter, à connaitre l’œuvre en profondeur, à me l’approprier.
De cette manière, je créais une interprétation plus vivante que si j’avais uniquement appris de façon uniquement pragmatique.
Finalement, cette manière d’aborder la musique m’avait fait gagner beaucoup de temps et rendu plus musicien.
Avoir l’esprit chercheur, curieux et pas trop focalisé sur le fait de toujours jouer les bonnes notes installe un état intérieur propice à la musique, c’est à dire une sorte de détente mentale. Cet état apporte une grande aide en improvisation comme en interprétation.
De plus, en étant inventif pendant vos entraînements à la maison, vous pourrez plus facilement l’être au moment de jouer en public.
En effet, comment espérer être créatif sur scène si dans votre travail quotidien, vous ne l’êtes pas, au moins pendant une partie de notre temps ?
La divergence et convergence
J’ai appris que ce mode de pensée avait un nom : la pensée divergente, c’est-à-dire la capacité à aborder une question sous des angles multiples.
Le test du trombone est souvent proposé pour éprouver notre habileté à diverger.
Vous voulez l’essayer ?
Prenez un trombone et cherchez toutes ses utilisations possibles.
Par exemple :
– attacher des papiers
– ouvrir le compartiment de carte sim du smartphone
– l’accrocher à une oreille
– se gratter
– créer un collier…
À vous d’en trouver un maximum.
La moyenne est autour de 15, mais certaines personnes en trouvent des dizaines de plus.
Diverger en musique, ça veut dire quoi ?
D’abord, c’est partir d’une musique qui nous plait profondément, et peu importe si elle est trop difficile pour nous.
Ensuite, c’est se demander ce qu’on peut en faire, comment on peut passer du temps avec une œuvre de façon créative.
Là, je parle d’une pièce écrite, mais ça peut être un standard de jazz, une chanson ou le relevé d’une improvisation.
Quelle est la matière qu’on peut attraper et s’approprier en fonction de son niveau ?
Ça peut être une manière harmonique, mélodique, rythmique, technique, formelle…
Vive la convergence
Une fois qu’on a trouvé des dizaines de choses à faire, c’est là qu’il va falloir amener beaucoup de rigueur, c’est-à-dire sélectionner, organiser, s’entraîner et évaluer sa progression.
Parce que trop de divergence mène à l’éparpillement, une fois que vous avez exercé votre créativité, place à la rigueur et à la répétition : vous allez devoir automatiser toutes ces nouvelles idées pour les intégrer dans votre jeu.
C’est un autre mode de pensée qui est aussi indispensable et complémentaire.
Mettre en pratique
C’est dans cet esprit que je publie régulièrement des vidéos d’analyse dans lesquelles je propose toujours des exercices et des idées pour improviser.
Ils sont toujours organisés en trois niveaux : débutant+, intermédiaire et avancé. J’aime le faire dans tous les styles de musique.
En voici quelques-unes
Analyse d’une musique de Schumann
Improviser sur le thème d’Aerith (FF7)
Keith Jarrett – Analyse d’Over the rainbow
Analyse harmonique Chick Corea et Herbie Hancock jouant Someday my prince will com
L’avantage de cette approche, c’est d’arriver à s’approprier une œuvre même si on est quasiment débutant.
Donc la réponse à : comment apprendre le piano est…
Voici un résumé du processus que je conseille.
Vous pouvez le mettre en place seul·e ou avec un·e professeur·e.
Plus vous aurez d’expérience et de connaissances, plus il vous sera facile de l’intégrer en autonomie.
Toutefois, il sera plus simple d’être guidé·e au début.
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Il y a toujours 3 grands sujets à employer en alternance, de manière équilibrée ou non.
1 — Apprendre de nouvelles connaissances théoriques
Dans cet article, je n’ai pas développé cet aspect, mais je vous conseille d’apprendre progressivement la théorie musicale (notes, gammes, accords…). Pour vous y aider, vous pouvez consulter les vidéos de cette playlist.
2 — Développer sa créativité
- Étudiez à partir de musiques que vous aimez
- Cherchez à comprendre comment est construite l’œuvre
- Choisissez les passages qui vous plaisent le plus
Inventez vos propres exercices à partir de ces passages et jouez-les en partant de notes différentes.
Improvisez, composez, arrangez, inventez.
3 — Apprendre le morceau tel qu’il est prévu
Parallèlement à ce travail, apprenez le morceau en mode « apprentissage efficient », c’est-à-dire en cherchant la stratégie qui vous permettra de jouer la partition telle quelle, le plus vite possible. Ici, le focus n’est pas la créativité, mais le développement de la capacité à jouer une musique très rapidement sans la modifier.
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